Dossier William Panzer

Je m’appelle Barry Nash, je travaille pour Infocomp au service collecte et recoupement d’information corporatiste. En gros, je passe mon temps à analyser des bases de données pour les croiser avec d’autres afin de trouver des informations intéressantes pour nos clients ou de manière plus général qui pourraient avoir de la valeur pour ma société.

 Pour ceux qui l’ignoreraient infocomp est une corporation dont l’unique fonction est la gestion de l’information numérique. Nous établissons des statistiques, des fichiers, des documents, des enquêtes et des dossiers sur des personnalités ou des organisations. Nous stockons aussi à l’abri un certain nombre de fichiers sensibles pour certaines grandes entreprises. Récemment j’ai trouvé dans certains dossiers des faits intéressants.

En mars dernier, Militech, une grande corporation spécialisée dans l’armement, de la bombe d’autodéfense au jet militaire, nous a envoyé (comme d’habitude) les modifications à apporter à la liste de leurs employés couverts par l’immunité corporatiste.  Perdu dans la liste, un nom à retirer retint mon attention comme un écho : William Panzer.

Recherchant les anciens articles de journaux, des noms, des lieux, des dates apparurent. Des faits suffisamment troublants pour que je demande l’autorisation d’ouvrir un dossier. Quelques coups de téléphone me permirent d’obtenir des entretiens avec certaines personnes qui participèrent à cette opération.

William était un soldat corporatiste qui était envoyé pour assurer la protection de personnes, de biens, ou pour récupérer des otages. Âgé de vingt-quatre ans, il semblait promis à un très brillant avenir de garde du corps pour personnalité fortunées. Ses excellentes capacités physiques et intellectuelles l’avaient amené à être mis sur les missions les plus difficiles par ses employeurs et il s’en était toujours sortis avec les honneurs. Il commençait à être placé régulièrement à l’organisation de certaines équipes de sécurité et tout allait pour le mieux.

Et, soudain, la télévision à parlé de lui : Quelques heures a peine après l’explosion accidentelle d’un laboratoire de Biotechnica en orbite autour de la lune, William avait détourné une navette spatiale de retour de la lune et menace de la crasher sur une agglomération. Son employeur semblait avoir tout fait pour empêcher ce fou de mettre son projet à exécution, mais celui-ci avait réussit à écraser sa navette sur le quartier ouest de Tokyo provoquant un bel incendie et de nombreux blessés et par une chance inouï aucun mort a part le kamikaze. Les journaux avaient alors rapidement classé l’affaire se concentrant plus sur les résultats sportifs.

En essayant de contacter les anciens collègues de William dont j’avais pu trouver le nom dans son dossier, beaucoup ont refusez de me rencontrer ou m’ont envoyé balader. L’un de ses anciens amis, Andy Anderson fut l’un des rare a accepter de me rencontrer.

Andy Anderson était à l’époque investisseur boursier pour Militech et il avait sympathisé avec William quand celui-ci avait été chargé de sa protection au moment d’une OPA sauvage. Ils s’étaient vus régulièrement depuis. Partis chez Merill Asusaka & Finch suite a des mésententes avec son précédent employeur, il n’a pas fait de difficulté pour me rencontrer un soir à l’Atlantis, un bar chic fréquenté surtout par la upper classe de Night City. Notre homme m’attendait dans un box privé en sirotant un cocktail, une armoire à glace au bar proche semblait le surveiller de prêt. Habillé d’un costume à la dernière mode, il m’observait avec des yeux dorés, évidemment artificiels. M’apercevant, il m’invita cordialement à m’asseoir avec lui avec ce sourire si faussement naturel d’un professionnel de la négociation. Il accepta d’être enregistré pendant l’entretien (ce qui m’étonna). Qui suivirent me raconta sa version de l’histoire dont il eu vent par des relations internes à Militech.

– Le 3 mars 2023 William, qui dirigeait un groupe d’intervention spécial à été convoqué par un certain John Smith, responsable des opérations noires, ces opérations secrètes que les corporations ne sont pas censées organiser. Notez bien qu’aucun John Smith n’existe dans les fichiers du personnel de Militech, de même que ce département n’a pas d’existence officielle. Ce qui s’est dit dans ce bureau, n’a pas filtré mais William semble avoir été chargé d’un job et est ressorti avec une mallette contenant de quoi l’organiser. Deux jours plus tard, il était en vacances et s’envolait vers le spatioport de Nairobi pour des vacances au soleil. Sur le même vol, se trouvait un informaticien de haut vol, Tchang Kaige, spécialisé dans le piratage des gros systèmes. Quelques jours après son arrivée, un scaphandre de combat spatial dernier modèle avec toutes les options les plus dangereuses à été volé dans un entrepôt de Militech au Kenya. Sur place, il semble avoir bénéficié de complicités qui lui permirent de prendre la place d’un homme d’équipage à bord d’une navette allant ravitailler la station de Crystal Palace. Pendant ce temps, Tchang Kaige avait lui, loué un entrepôt de la banlieue de Nairobi sous un faux nom, et y avait installé un équipement de transmission satellite pour rester en liaison avec William. Un autre verre ?

– Pardon ? Oui, volontiers

Après l’arrivée de mon verre il reprit :

– Ainsi le 7 mars, il était prêt et embarqua à bord de la navette avec une cargaison légèrement modifiée. Après un vol sans histoire, ils firent escale à la station de Crystal Palace, en orbite géostationnaire équatoriale. Après quelques heures passées à bord de ce palais spatial pour milliardaire, la navette repartie vers un laboratoire de recherche de Militech sur la face cachée de la lune en suivant une trajectoire qui l’amena à passer à moins de 5000 Km de la station de Biotechnica en orbite lunaire. Enfin, 10h plus tard, la station de Biotechnica s’autodétruisait en un holocauste nucléaire qui fut visible depuis la terre en plein jour.
– Oui, je me rappelle, les journaux en avaient beaucoup plus parlé que de William a cause des perturbations des communications à cause de l’onde EMP. Vous insinuez que William est responsable de la destruction du laboratoire de Biotechnica ? Comment aurait-il fait ?
– Il s’est simplement laissé dériver vers la station avec un bon brouillage radar, s’est introduit dedans, a neutralisé l’équipage, orienté l’antenne satellite vers Tchang Kaige et grâce à ses instructions a transféré les données vers la terre tout en gardant des doubles sur disques optiques. Il a mis en marche l’autodestruction de la station et tout bonnement sauté vers la lune.
– Attendez ! on ne peut pas simplement se laisser dériver dans l’espace ou « sauter sur la lune ».
– Le scaphandre qui a été volé était plutôt un tank de forme humanoïde, avec des propulseurs multidirectionnels. Avec les bons réglages pour les durées d’accélération et de décélération, ce n’étais pas à la portée de quelqu’un d’audacieux et William l’était toujours, parfois trop. Je suppose qu’il aura refait le plein de carburant sur la station avant de partir.
– Vous n’avez naturellement aucune preuve de son implication ?
– Pas réellement, mais des coïncidences étranges : Le plan de vol n’était pas conforme à ce qu’il aurait dût être pour la destination, cela entraînait une dépense un peu plus importante de carburant. Une transmission cryptée de 4 mn à été détectée à destination de la station de Biotechnica. Bien entendu, ce qui s’est passé à bord de la station n’est que supposition mais vérifiez son dossier et vous verrez qu’il en avait la formation. Il avait même reçu un mois auparavant un entraînement au combat spatial. Il m’en avait parlé parce que cela faisait des mois qu’il demandait cet entraînement.
– Bien, il a donc bénéficié de l’appui de Militech mais alors que s’est-il passé sur le sol lunaire ?
– J’ai récupéré un double des transmissions radio codées à destination de notre base lunaire, venant du grand patron, Elles indiquaient clairement que toute personne s’approchant de la base devrait être abattue. Je pense qu’à l’origine il devait être prévu qu’il puisse retourner à la navette discrètement et repartir avec elle une fois sa livraison terminée.
– Pourquoi un tel ordre ? Si le sabotage avait été suffisamment bien fait pour faire croire à un accident sur la station, il n’était pas nécessaire de l’éliminer !
C’était malheureusement nécessaire, j’ai appris par la suite a demi mots d’un cadre haut placé de chez Militech, qu’ils avaient fait une enquête de routine pour voir si William avait été discret pour monter son opération, et ils avaient trouvés plusieurs indices. Sans doute pour maximiser ses gains, il n’avait pas pris assez de précautions et une enquête aurait désigné Militech. Les Grands patrons ne pouvaient pas se le permettre.
– Alors Militech a créé un bouc émissaire ?
– Procédure standard pour ce genre de dosser délicat, mais là, je doute que le président qui a donné l’ordre l’ai fait joyeusement. C’était l’un des meilleurs éléments et beaucoup avait été investi dans sa formation. Ils avaient un plan de carrière pour lui.
– Pourquoi alors n’est-il pas mort sur la lune ?
– La transmission avait été piraté par Tchang Kaige qui par satellite pût envoyer une communication cryptée de prêt de 6 mn dont la teneure exacte n’a jamais pu être connu à William avant d’essayer de s’enfuir. Des troupes d’assauts de Militech l’éliminèrent un quart d’heure après.
– Il aurait dû s’enfuir !
– Oui, d’autant qu’il n’a été localisé qu’à la deuxième transmission. William avait alors assez d’oxygène et de carburant pour tenir plusieurs heures. Il avait l’armement et il a tout simplement attaqué là où on ne l’attendait pas. Il devait être à environ 1 Km de la base quand une navette à décollée vers la terre. Il a mis en marche ses propulseurs et a intercepté la navette, forcé une écoutille d’entrée et neutralisé les pilotes en dépressurisant la cabine.
– Comment un homme seul peut-il faire cela sans que l’on ne puisse intervenir ? Tant de morts pour rien.
– Comment ? Tout simplement grâce à son scaphandre de combat. C’étais un véritable tank de 700 Kg avec une propulsion tous azimuts, lance-roquettes et mitrailleuse. Dans ce scaphandre il aurait pu défoncer d’un coup de poing une porte de coffre fort. Il n’aura eu aucun mal à ouvrir l’écoutille et à rentrer. Pour le reste, même s’ils avaient eu de l’oxygène, des hommes ne peuvent lutter avec un scaphandre de combat. Immédiatement la base lunaire prit la navette pour cible avec leur canon à propulsion magnétique, mais la navette était déjà loin et peu de projectile la touchèrent, mais cela suffit à la rendre impossible à manoeuvrer. Celle-ci était déjà sur une trajectoire qui l’amenait dans le champ d’attraction terrestre sans aucun moyen de corriger sa trajectoire et donc incapable de rentrer dans l’atmosphère dans des conditions correctes. Il a tout de même eu de la chance, s’il avait été touché quelques centaines de kilomètres plus prêts de la base lunaire, il serait mort dans l’espace profond à l’heure actuel. Et pour ce qui est des morts, ce n’était qu’un soldat, il obéissait aux ordres avant d’être trahis. Il l’à fait pour sa vie.
– Je me rappelle très bien l’émotion à l’époque, aucune navette ne pouvait aller dévier la trajectoire de la collision.
– La navette dériva pendant 11H à vive allure. On suppose que William à récupéré l’oxygène des scaphandres que l’équipage n’avait pût mettre. Il semble également avec récupéré du carburant sur la navette et s’être débarrassé de ses armes, gagnant ainsi prêt de 100 Kg. Il a récupéré une sorte bouclier thermique. Pendant ce temps, il refusa tout contact radio.
– La télévision suivait cela en direct et Militech présentait William comme un fou qui avait le mal de l’espace et qui s’était mis en tête faire un carnage.
– En tout cas, c’était devenu le but : descendre William si par hasard il arrivait au sol intact.
– William le savait ?
– Oui, ou du moins il s’en doutait ou il n’aurait pas pris tant de risques.
– Et les rumeurs comme quoi il avait dirigé la navette vers une agglomération volontairement ?
– Absurdité, il n’avait plus de gouverne depuis longtemps, les analyses des boites noires l’ont confirmé, la destruction du quartier ouest de Tokyo est un hasard et est finalement surtout due à la lenteur des pompiers. Il a même vidangé les réserves de carburant de la navette quand il est rentré dans les hautes couches de l’atmosphère pour limiter les risques, je suppose. Les radars ont suivi la progression de la navette pendant que les évacuations étaient organisées au sol. La navette s’est rapidement mise à flamber et à se fragmenter et cette pluie de débris est tombée sur la ville.
– Et William ? Il n’était plus dans la navette lors de l’impact ?
– Effectivement aux nez des radars de poursuites et sous le couvert de son brouilleur il a dû s’éloigner de la navette vers 30000m d’altitude utilisant le bouclier pour économiser son carburant. Vers 20000m, il a dû allumer à fond ses propulseurs pour ralentir et pouvoir ouvrir les parachutes de l’armure à 8000m, grillant ses restes de carburants. C’est du moins le seul scénario qui lui aurait théoriquement permis d’arriver intact au sol, et ce uniquement s’il avait disposé des bons paramètres de vol pour cette rentrée suicide. Mais il aimait bien sauter en parachute, ça à due lui plaire un saut orbital.
– Ce serait Tchang qui lui aurait transmis les paramètres ?
– Je suppose, ou ils les avaient déjà, mais Tchang avait les moyens de faire les calculs que William n’avait pas. Je pense qu’ils avaient envisagé le cas.
– Vous savez où il à atterri ?
– Pour le public, il était déjà mort quand il est entré rapidement dans l’eau, avec un parachute sur les trois sensés le freiner. Son scaphandre à été retrouvé par 20m de fond et était enfoncé dans le sable, l’électronique du scaphandre avait pratiquement fondue. Environ 1h après une frégate arrivait sur les lieux et trouvait le scaphandre vide. Je n’en sais pas vraiment plus si ce n’est qu’un mois plus tard à Night City un groupe d’intervention de Militech à été envoyé dans les quartiers sud pour descendre quelqu’un mais qu’ils l’ont manqué à cause d’une autre équipe de Biotechnica. Des rumeurs internes prétendaient qu’ils s’agissaient de William.
– Quelle fut la réaction de Biotechnica ?
– Elle se mit en chasse pour récupérer les documents de la station pendant que Militech voulait le silence de William…
– Alors qu’ils avaient déjà les infos trouvées sur Tchang Kaige ?
– Exactement.
– Que s’est-il passé après l’amerrissage ?
– D’après un gars d’une équipe d’assaut avec qui j’ai discuté il y a quelques temps, le scaphandre à été trouvé vide, et pas de corps dans les environs. Je n’en sais vraiment pas plus Mr Nash.
– Et pourquoi me dire tout cela ?
– Je n’aimerais pas que mes employeurs me fassent ce genre de chose après avoir été aussi efficace que William l’était, d’où mon départ de chez Militech d’ailleurs.

Après l’avoir remercié, je retournais chez moi penser à tout ça.

Ce dossier Panzer pouvait m’obtenir une promotion : « toute magouille de corporation est bonne à connaître » disait le président d’Infocomp, mais mon dossier était très incomplet et surtout sans preuve, même si Andy m’avait fourni beaucoup de détails vérifiables, des heures des dates, des coïncidences qui ne pouvaient pas l’être, je ne comprenais toujours pas ce qui avait pût justifier l’élimination de William et l’engrenage médiatique que cela avait déclenché. Quelques jours plus tard, j’ai essayé de contacter l’ex de Tchang Kaige, mais celle-ci ne m’apprit rien. Mon patron me demandait régulièrement si j’avais trouvé quelque chose, et je ne savais plus vraiment quoi lui répondre.

La seule personne qui pouvait répondre à toutes mes questions était William Panzer, mais je n’avais aucun moyen de savoir s’il était vivant ou mort. Andy avait parlé d’une fusillade ici même a Night City. Mais comment le trouver ? Et pourquoi serait-il revenu ici ?

Allongé dans mon lit, je me repassais les éléments un par un dans ma tête pour aboutir à seulement deux certitudes : S’il avait pu échapper à de grandes corporations, il devait avoir des fonds secrets dans un paradis fiscal et il devait avoir changé de visage. Pariant que s’il s’était fait refaire le visage ce serait dans une ville qu’il connaissait, je me résolu à chercher un chirurgien qui pourrait avoir fait ça.

Mon compte fit grise mine à force de persuasion pour retrouver des chirurgiens qui fasse ce genre de modification discrètement et sans poser de questions. Mais aucun de ceux que j’ai pu contacter n’avais vu William, mais plusieurs d’entres eux me dire que des enquêteurs de chez Militech ou Biotechnica était déjà passé les menacer.

C’étais peine perdu, la piste était froide depuis des mois et avait été emprunté par des équipes spécialisés de deux des plus grandes corporations de la planète.

J’ai donc transmis les informations que j’avais recueillies en me disant que je n’en aurais pas plus. Mon patron en lisant les documents m’approuva, tout en me disant de ne pas fermer le dossier, et d’y revenir de temps en temps. Il sentait qu’il y avait quelque chose de gros qui valait bien les frais engagés.

C’est un peu le hasard qui me remit sur sa trace. En feuilletant son dossier médical je découvris qu’il avait plus de mécanique et d’électronique dans le corps qu’un homme ne devrait en avoir, et à chaque fois du très haut de gamme. Il devait bien en avoir pour plusieurs années de salaire et tout le matériel venait de la même société : Benson Corporation, une jeune corporation faisant de la cybernétique de pointe, très chère. Cela me rappela une photo qui avait été prise dans un grand restaurant pour compléter un autre dossier : celui de Sylvia Natsuko Benson, la directrice fondatrice de Benson corp. On l’y voyait avec William en tête à tête. Je n’osais pas trop espérer car une dizaine d’anciennes relation de William avaient niés ou refusés de communiquer des informations. Au bluff, j’ai essayé de savoir qui payait les factures de cybernétiques de William et je fus vraiment surpris d’avoir une réponse quelques heures plus tard : Melle Benson s’en occupait personnellement. A tout hasard je demandais à avoir un rendez-vous avec elle et laissais mes coordonnées. En rentrant à mon bureau, je découvris un mail m’invitant pour le lendemain soir chez la dame.

Je passais donc ma journée à potasser le dossier de Sylvia. Un dossier plein de trous, un dossier dangereux sur une fille dangereuse qui en deux années avait créé une boite au chiffre d’affaire d’1 milliard par an. A force d’Intelligence, de persuasion, de sexe et la protection de l’une des plus grandes corporations du monde : EBM.

Mais c’étais son passé qui était le plus intéressant : Elle était et est toujours très infiltrée dans le milieu des vétérans des guerres corporatistes, et son nom a été cité au cours d’enquête sur plusieurs black-ops. Mais sans jamais qu’il n’y ait d’inculpation à son encontre. Un extrait de son casier judiciaire montrait de nombreux cas de légitime défense où elle avait neutralisé des tueurs professionnels. Elle était à présent intouchable et avait des relations. Pourquoi avait-elle accepté de me voir ? Et à dîner ! Alors que je regardais les photos de la demoiselle, qui avait eu de nombreux look tous plus exotiques les uns que les autres, je fus convoqué chez le Boss qui me demanda de tout photographier chez elle avec une Cybercam et des puces mémorielles : La simplicité même ; on les enfiche dans un support adéquat à la base de la colonne vertébrale et on peut stocker des images ou des sons que l’on perçoit : Homme et machine parfaitement réunis.

– C’est sa société qui les fabriques, alors elle doit en avoir sur elle et ses systèmes doivent les négliger : Ils passeront, me dit le boss… Tu parles !

Le soir venu, j’étais nerveux devant l’immeuble. L’un des mieux protégés de la ville où la location d’un F2 coûte plusieurs mois de mon salaire, plutôt élevé. Je m’annonçais à la réception, et après des vérifications minutieuses comme j’étais attendu, deux gardes me conduisirent (ou m’escortèrent) à l’ascenseur après m’avoir fait passer dans des portes scanner. Je savais à quel point il était difficile d’avoir un appartement ici et à quel point les gens qui était ici était protégés, à tout point de vue, si je ne faisais pas gaffe je risquais de me retrouver au fond de la baie de Rancho Coronado les pieds dans le béton.

Les portes s’ouvrirent au 44ème étage et ils me conduisirent à l’appartement. Après une autre porte scanner, je fus livré (un peu comme un colis) à un garde du corps bien habillé qui me fit entrer dans le salon de Sylvia. Dire que c’étais luxueux serait un peu court ; Des plantes superbes partout, des meubles en bois finement travaillé, et partout la très haute technologie présente partout. Je remarquais dans les angles supérieurs de la pièce de très discrètes petites sphères noires qui étaient sans doute des caméras ou d’autre type de détecteurs. La gigantesque baie vitrée donnant sur le parc était fascinante et je ne pouvais en détacher mon regard. On dominait la ville d’ici. Après m’avoir laissé quelques minutes pour contempler la ville, l’homme me proposa un rafraîchissement, m’informant d’un petit retard de Mademoiselle Benson. J’acceptais distraitement tout en contemplant la ville. Si une personne pouvait connaître la vérité sur cette histoire c’était sûrement elle, mais quelle raison aurait-elle de me la dire ? Le garde du corps n’était pas n’importe qui, il ne jouait pas les gros bras comme la plupart des gens employé a cela, il avait été courtois, et semblait savoir qui j’étais, il m’apporta un verre de Vermouth, que j’apprécie beaucoup, et que peu de gens connaisse. Au lieu de me mettre à l’aise, ce détail un peu trop personnel me fit plutôt craindre le pire.

Une voix féminine me fit me retourner :

– Mr Nash, Sylvia est en route. Elle vous demande de bien vouloir l’excuser de ce retard, mais un conseil d’administration a duré plus longtemps que prévu. si vous avez des questions à lui poser, je puis peut-être y répondre à sa place.

Devant moi se tenait une belle femme blonde vêtue d’une toge romaine. Beauté d’autant plus troublante dans l’éclairage feutré de cet appartement qu’elle semblait irréelle, et c’est bien ce qu’elle était, un hologramme. Il est rare d’en voir ainsi intégré dans un appartement, et elle pouvait aller partout dans l’appartement ainsi, fantôme irréel, suivant et ajustant ses déplaçant grâce à des caméras. J’avais une IA devant moi, l’un de ces joyaux de l’informatique moderne aux capacités dépassant celles des humains

– Vous devez être une Intelligence Artificielle ?

Un peu amusée,

– Si votre question est : êtes-vous intelligente, je crois que la réponse est oui. Je suis Tina, la secrétaire de Sylvia. Elle se déplaça jusqu’à moi, semblant flotter plus que marcher.

– Pourrais-je vous demander de déposer sur la table vos puces mémorielles ? Je ne tiens pas à ce que des systèmes Infocomp enregistrent la conversation de ce soir avec Sylvia.

Encore plus nerveux, je m’exécutais me disant que cette fois j’aurais déjà de la chance si je pouvais partir d’ici en vie. Le garde du corps assis dans un fauteuil regardait en souriant Tina m’expliquer à quel point il était naïf de la part de mon patron d’avoir pensé que ces puces passeraient inaperçu.

Un appareil se posa sur le toit et peu après Sylvia apparut dans le salon.

Les photos étaient prometteuses mais ne révélait pas la fluidité de félin de ses mouvements, et un félin elle l’était de fait : Elle avait un corps de femme parfait, mais complété par des yeux de chats profonds et vifs, des lèvres pulpeuses qui s’ouvrait sur des canines acérées. Ses longs cheveux blonds formaient une crinière sur ses épaules et une mince fourrure ocre recouvrait son corps splendide à l’exception de son visage et de ses mains. L’ensemble était complété par une queue de chat qu’elle balançait harmonieusement. Elle était dans un tailleur assez sexy de couleur sombre qui ne dissimulait qu’imparfaitement une arme comme je n’en avais jamais vu que sur des gardes du corps fortunés. Une chatte bien mignonne en femme d’affaire éclairée. Les mutations génétiques exotiques étaient assez rares à l’époque et je n’avais jamais vu de près une mutation humano-félidés. J’avais bien du mal à ne pas rester bouche bée devant elle.

En quelques phrases elle se présenta, me demandant encore quelques minutes de patience, échangea quelques mots avec le garde du corps en japonais (une autre particularité de cette fille, élevée dans le quartier japonais par des amis de sa famille après le décès de ses parents) et s’absenta pour aller se changer, m’invitant à prendre un autre verre en l’attendant. Elle revint rapidement, la peau encore humide, vêtue d’un ravissant kimono en soie. Ses canines avaient disparu, escamotées. Elle vint s’asseoir sur le divan en tailleur et m’invita près d’elle. Le garde prépara un cocktail, le déposa devant elle et sorti de l’appartement. Tina avait disparu, mais devait sans doute tout observer. J’étais un inconnu et elle avait renvoyé son garde du corps. Je repensais à ces rapports de police que j’avais lus ces derniers jours. J’étais tendu. Après quelques gorgées de son cocktail, elle me regarda un moment puis posa son verre doucement.

– Alors Mr Nash, vous vouliez me parler de William n’est-ce pas ? je ne vais pas jouer avec vous. Si vous souhaitez apprendre quelques petites choses à son sujet, vous les aurez mais je nierais vous les avoir fournis. Je peux bluffer un analyseur de stress vocal.

Elle le pouvait sûrement.

– Quelles étaient vos relations avec William ?
– Il avait travaillé pour moi sur un travail délicat, comprenez illégal et il a été mon amant pendant un temps.
– Pourquoi la cybernétique ?
– Vous voulez dire ses équipements cybernétiques ou pourquoi je me suis lancé dans la cybernétique ?

Son sourire était vraiment charmant, difficile de se concentrer faisant la réponse à sa question elle-même elle répondit :

– Il m’a permit d’avoir vent d’un délit d’initié et cette opération a été juteuse, je lui ai donc proposé de l’équiper de tout ce qu’il souhaiterait à l’œil.
– Cela représentait une sacrée somme…
– Les bénéfices de l’opération également et je suis de nature généreuse.
– Vous saviez qu’il avait survécu au crash ?
– Oui, Mr Terranova m’en avait informé et m’avait prévenu que je serais sans doute surveillé discrètement. Et quand un mois après j’ai reçu un message sur une messagerie du réseau connue de nous deux uniquement, j’en ai eu la confirmation.
– Mr Terranova ? qui est-ce ?
– Le représentant de Militech au conseil d’administration de Benson corp. Vous n’ignorez tout de même pas que 15% du capital de Benson corp appartient à Militech ? dit-elle avec un ton de reproche.
– J’ignorais ! J’aurais dû vérifier.
– Dangereux d’aller se mêler des affaires des corporations sans connaître et comprendre les relations qui les unissent. Laissez-moi donc vous éclairer un peu : le capital de Benson corp est détenu à 25% par moi, 15% Militech, 15% EBM, 5% MGM, le reste appartient à de petits porteurs dont une partie appartient à l’entreprise depuis sa création et sont devenus Millionnaire grâce à elle. Mais rassurez vous, nous ne sommes pas une filiale de Militech.
– Donc, William m’a contacté et il me donnait rendez-vous sur les quais le soir même. J’y suis allée en moto après avoir faussé compagnie a quelques aimables employés de Militech ainsi que quelqu’un de Biotechnica. Nous nous sommes identifiés en établissant une liaison radio cryptée avec un code perso. Il me raconta ce qui lui était arrivé et ses projets. Pour commencer, il voulait se cacher pour faire le point et ensuite obliger les corporations à le laisser tranquille.
– Il savait que Biotechnica et Militech le cherchait ?
– Bien sûr, il n’avait pas plus d’une semaine d’avance sur leurs recherches et il n’avait pas intérêt à aller dans le centre ville au cas où sa photo soit diffusée. Il aurait été identifié en quelques secondes a peine par les caméras IA du centre ville. Il s’y attendait mais moi, je pensais bien que les corporations préféreraient chasser loin du grand public et se passer de la police. J’avais raison… J’ai déjà vécu ce genre de chose, ajouta-t-elle avec un peu d’amertume dans la voix.

Le cuisinier discret vint annoncer le dîner et nous passâmes à table. Un bon repas qui avait infiniment plus de saveur que les productions synthétiques qui sont le lot quotidien même pour la plupart des cadres. Pendant ce temps, elle continuait d’éclaircir le tableau.

– Dans un premier temps, il lui fallait une identité plus fiable, un nouveau visage, puis des armes et des informations. Ce n’était pas un problème pour moi, j’ai des relations à tous les niveaux même les plus bas et j’ai des plans de secours pour beaucoup de situation. J’ai contacté quelques vieux amis, et trois jours plus tard, il était équipé, avec un nouveau visage, de nouvelles empreintes et zonait dans le ghetto sud en attendant que l’affaire se tasse un peu. Juste avant de se faire opérer il avait failli se faire choper par une équipe de Militech et par une équipe de Biotechnica. Il s’est enfui pendant que les deux équipes se tiraient dessus. Il s’en est sorti avec des blessures assez légères pour un homme comme lui : 3 balles seulement avaient traversées ses protections Kevlar. Une petite semaine après, il gambadait tranquillement dans la rue, mais il voulait plus.
– Et les informations qu’il cherchait, c’étais je suppose à propos du contenu des disques optiques qu’il avait emporté ?
– Ils étaient codés, je les lui ai rendus plus lisibles. Il m’a fallu une semaine pour casser le code, mais ça en valait la peine. William a récupéré…
– Mais qu’y avait-il dessus ?
– William a récupéré les disques décodés et espérait négocier une protection avec Biotechnica. Sur ces disques se trouvaient des comptes rendus de recherches, des méthodes de synthèses biochimiques, des résultats d’expériences sur des cobayes. Toutes les résultats des tests confirmaient le succès total de leurs recherches mais j’y reviendrai. Biotechnica a pour habitude de faire travailler plusieurs équipes en secret sur des projets proches. Et justement l’un des concurrents du labo orbital détruit est arrivé au bout de ses expériences il y a peu et a pu après quelques problèmes auxquels je ne suis pas étrangère proposer au « public » un traitement gériatrique efficace mais onéreux : 5 millions de dollars tous les dix ans pour garder un corps d’athlète, c’est un bon marché et des milliers de personnes ont voulu essayer ce traitement.
– Mais quel rapport avec le laboratoire spatial ?
– Ils avaient les mêmes projets : La prolongation de la vie humaine, mais les moyens différaient : Le traitement qui est actuellement vendu par Biotechnica vous redonne un corps jeune, limite la dégradation du système nerveux, mais ce n’est plus votre corps initial, c’est un clone sans cerveau où vous êtes implanté. A l’origine ils y avaient même provoqué une mutation fatale au bout de 10 ans pour que les clients reviennent plus vite. A la suite de fuites, ils ont dû retirer cette mutation et modifier leurs tarifs, 2 millions pour un vieillissement normal. Vous aviez 70 ans et vous vous retrouvez avec un corps de 20 ans mais qui vieillit.
– C’est fantastique, mais je ne vois toujours pas le rapport avec les documents récupérés par William ?
– Justement, les infos que possédait William étaient assez gênantes pour Biotechnica et pendant que William hésitait sur sa tactique, Militech a conclu un accord avec Biotechnica contre William pour la préservation du secret. Le pacte à été scellé à coût de dizaine de millions de dollars. Finalement quand le 4 mai William que je voyais régulièrement m’annonça qu’il allait essayer de négocier son silence avec Biotechnica je l’ai mis en garde, mais il était décidé. Il a obtenu une communication vidéo avec la directrice de Biotechnica pour la côte Ouest. Je ne suis pas sûr des détails de ce qui est arrivé ensuite. Je lui avais dit de refuser toute rencontre car je savais qu’il y avait eu des négociations entres les deux corporations sans savoir ce qui en était ressorti à l’époque. Mais c’étais un homme d’action qui n’écoutait pas facilement les conseils d’une femme.
– Même de vous ?
– Surtout de moi, je déjeune toutes les semaines avec la directrice de Biotechnica et j’ai beaucoup d’amis chez Militech.
– Il pensait que vous le trahiriez ?
– Non, mais il pensait que je composais dans l’intérêt des deux partis et pas forcément dans son intérêt.
– Et c’était vrai ?
– Bien sûr, mais il a refusé de comprendre qu’il n’avait pas assez de poids pour négocier et qu’il se ferait simplement tuer s’il allait négocier la fleur au fusil.
– Ils l’ont tué ?
– Disons plutôt retiré du jeu pour un coût raisonnable.
– Je ne saisis pas, que lui est-il arrivé exactement ?
– Il l’on accueilli d’une rafale de fusil EMP qui l’a sonnée suffisamment pour qu’ils puissent le maîtriser, puis installé dans un caisson cryogénique. Ils l’ont relié à une IA qui a vérifié dans sa mémoire qu’il n’avait pas gardé de copie cachée des documents puis ils lui ont effacé une partie de sa mémoire, lui ont implanté de faux souvenirs et l’ont relâché dans la rue, soigné et sans le moindre souvenir de cette opération.
– Fascinant, mais pourquoi l’avoir gardé en vie ? S’ils l’avaient entre les mains, ils n’avaient plus aucune raison, il était déjà mort aux yeux du grand public.
Elle sourit doucement, sans répondre.

– Vous aviez déjà négocié sans l’informer ?
– Il faut parfois savoir manipuler les gens dans leur propre intérêt, même si je regrette qu’il ait dû y perdre une partie de sa mémoire.
– Où est-il maintenant ?
– Un petit effort, vous le savez déjà.
– Votre garde du corps, n’est-ce pas ?

Elle hocha la tête en souriant et se leva pour aller s’asseoir sur le divan, écartant les pans de son kimono. La rejoignant, je lui bredouillais, troublé :
– Mais finalement les tests concluaient quoi ?

M’attirant contre elle, elle me murmura en un souffle :
– Stase corporelle parfaite à bas prix : L’immortalité en seringue hypodermique.

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